
Prenez un carnet et un stylo : cet article est plus long que d'habitude !
La contrainte : un tabou dans le monde équin ?
Éviter la contrainte est un sujet souvent mis en avant dans le monde équin aujourd'hui.
Cette démarche est compréhensible : nous souhaitons tous offrir à nos chevaux une relation fondée sur la coopération.
Mais, si nous cherchons à exclure la contrainte à tout prix, comment cela se traduit-il concrètement dans nos interactions quotidiennes avec nos chevaux ?
Prenons un exemple simple : vous prévoyez une balade avec votre cheval. Vous allez dans son pré pour aller le chercher, vous lui mettez un licol, et vous l'emmenez. Mais comment savez-vous s'il est vraiment d'accord avec cette idée ? En fait, à partir du moment où vous entrez dans son espace, vous exercez une forme de contrainte.
Même l’acte d’acheter un cheval implique de décider pour lui : où il vivra, ce qu’il mangera, et comment il interagira avec vous.
La contrainte, dans ce sens, est inévitable.
Est-ce pour autant négatif ? Pas nécessairement. Refuser toute forme de contrainte, c'est risquer de rendre la relation unilatérale, où seul le cheval décide. Lavéritable question n'est donc pas de supprimer la contrainte, mais de savoir comment la rendre acceptable et compréhensible pour votre cheval !
Mettre un cadre, ce n’est pas maltraiter !
Pour mieux comprendre, faisons un parallèle avec l’éducation des enfants. Si vous éleviez un enfant sans aucune contrainte, sans cadre ni limites, il deviendrait vite ingérable, ne connaissant ni les règles, ni le cadre. Un enfant sans limites pourrait se mettre en danger ou devenir très difficile à vivre. Pour un cheval, c’est pareil, à une différence près : il pèse souvent plus de 400 kg. Un cadre clair n’est pas seulement utile : il est indispensable à votre sécurité.
Cependant, mettre un cadre ne signifie pas dominer ou être brutal avec votre cheval.
Vous devez être un guide sûr et cohérent, à l’image d’un professeur respecté.
Le bon professeur n’est pas celui qui laisse tout faire, mais celui qui est lisible, sûr de lui et digne de confiance.
Votre cheval a besoin d’un référent clair pour savoir comment bien agir avec vous. Lui et vous n'en serez que renforcés dans votre relation.
Qui bouge qui ? Un principe fondamental
Dans un troupeau, les interactions sociales sont régies par des codes clairs.
"Qui bouge qui ?" est l’un des fondements de la communication entre chevaux. Un cheval dominant ne repousse pas l’autre par méchanceté, mais pour exprimer son statut ou pour régler un conflit d’accès à une ressource.
Par exemple, si un cheval A (dominant sur la ressource foin) mange du foin et que le cheval B arrive de manière trop tendue et envahissante, le cheval A va le repousser. Pour que le cheval B soit accepté, il devra adopter une attitude plus polie et avec une plus faible énergie.
Appliquer ce principe à votre relation avec votre cheval signifie être attentif à ses attitudes. Des oreilles vers l'arrière, un faciès tendu ou une attitude légèrement menaçante ne sont pas des signes anodins. Ils traduisent souvent un inconfort, une frustration et de l'excitation : tout le contraire du calme et de l'apaisement que l'on recherche.
En repoussant votre cheval dans ces moments, vous lui indiquez qu'il est trop entré dans votre bulle et vous lui montrez que vous attendez un comportement poli.
Choisir et adapter les méthodes
Aujourd'hui, de nombreuses méthodes existent pour travailler les chevaux. L'important n'est pas de choisir une méthode universelle, mais d'adapter votre approche aux signaux de votre cheval et à la situation.
Par exemple, le R+ peut renforcer un comportement souhaité à l’aide de friandises, mais mal utilisé, il peut créer de la frustration ou de l'excitation excessive. De même, le R- peut être une excellente façon d’enseigner des notions claires, mais mal utilisé, il peut résigner des chevaux ou les rendre agressifs.
Et même si vous maîtrisez ces méthodes à la perfection, chaque cheval est différent. Observez. Ses oreilles, son expression, son attitude vous renseignent sur son état émotionnel. Un cheval qui travaille dans la sérénité aura des oreilles mobiles, une encolure détendue et un regard apaisé. Si, au contraire, ses oreilles sont vers l'arrière ou pire plaquées, sa mâchoire est crispée, ou son faciès est tendu, adaptez vos méthodes :)
Pour ma part, il y a plusieurs années, je travaillais exclusivement en R+, convaincue que c'était la meilleure manière de respecter mes chevaux. Pourtant, je me suis aperçue au fil du temps que leurs attitudes n'étaient pas aussi détendues que je l'espérais. Cela m'a amenée à réévaluer mon approche et à trouver un équilibre entre les méthodes, toujours guidée par les réactions et les signaux de mes chevaux.
Aujourd'hui, je suis convaincue qu'un R- bien utilisé apporte d'excellents résultats en termes de décontraction et de calme chez les chevaux, et que cela est compatible avec le fait de les écouter et de les respecter.
Conclusion
Le cadre doit devenir un repère sécurisant pour votre cheval et non une source de tension. Observez leurs interactions au sein du troupeau et essayez d'agir comme un cheval avec lui et non comme un être humain.
Les chevaux sont des animaux qui fonctionnent par intérêt. Apportez à votre cheval du calme et de la clarté pour qu'il se sente bien avec vous naturellement. Les friandises sont un bonus :)
Les chevaux nous apprennent chaque jour à affiner nos pratiques et à remettre en question nos certitudes. Votre cheval est-il apaisé lorsque vous interagissez ensemble ? Comment vous sentez-vous dans la relation ? Êtes-vous son guide, est-ce l'inverse ou est-ce que cela dépend ? Avez-vous réussi à le convaincre que le cadre est bon pour vous deux ? Ou le remet-il toujours en question ?